Notes sur la viole de gambe…

Au premier coup d’œil, la viole de gambe semble très proche du violoncelle. Cependant, bien que ses origines demeurent un peu obscures, il est maintenant attesté qu’elle est née de l’utilisation d’un archet sur un instrument à cordes pincées. Elle appartient ainsi à la famille des guitares et non à celle des violons ou autres violoncelles.
La viole de gambe, tel que nous la connaissons, est apparue dans la région de Valence en Espagne dans la deuxième moitié du XVe siècle.

Elle dérive du « rehab », instrument importé en Espagne par les Maures vers le VIIIème siècle, dont on pouvait jouer soit en pinçant les cordes, soit en les frottant avec un archet. La première peinture connue (ci-contre) montrant une viole de gambe jouée par un ange, trouvée à Xativa (Valencia), date de 1475.
Par ses frettes, le nombre de ses cordes et l’accord (en quartes, avec une tierce au milieu), cet instrument dérive du luth ou de la vihuela. La viole de gambe peut être ainsi reconnue comme un «luth à archet». On la joue alors, suivant sa taille, en la tenant sur les genoux ou entre les jambes, d’où son nom.
Elle s’est donc en premier lieu développée en Espagne, puis a connu des heures de gloire en Italie.


En effet, en l’an 1492, Christophe Colomb découvrit le nouveau monde et l’Espagnol Valencian Rodrigo Borja (en italien Borgia) fut élu au trône papal et devint Alexandre VI. Il amena de nombreux violistes à Rome, lesquels furent employés pour la musique d’église. La viole eut alors un énorme succès en Italie, à tel point qu’Isabelle d’Este, amoureuse de la « viole a la spagnola » en commanda plusieurs exemplaires à un luthier renommé de Brescia.


Dès lors, à la faveur de l’extraordinaire influence que la renaissance italienne a imprimée sur les arts en général et la musique en particulier, ce nouvel instrument conquit tous les pays européens, France, Angleterre, Flandres et Allemagne, par l’intermédiaire de François 1er, Henri VIII et autres monarques… chacun ayant à coeur de la « personnaliser » en en changeant la forme, la tessiture, l’ambitus ou encore la décoration.

De tout temps, la viole de gambe fut utilisée principalement pour la musique dite sérieuse, essentiellement dans les milieux éduqués, contrairement au violon, qui ne fut employé à ses débuts que par des professionnels et des ménestrels pour la danse et les divertissements, particulièrement en France où il fut l’instrument des musiciens de rue.

Symbole par excellence de l’éducation aristocratique, l’usage de la viole de gambe n’a pas survécu, en Europe, à la dernière décennie du XVIIIème siècle, au profit bien sûr des instruments plus populaires de la famille des violons et violoncelles dont le son plus puissant convenait mieux à ce nouveau phénomène qu’on appelait déjà « concert », avec ses codes et ses salles dédiées.


La viole de gambe a pu reconquérir sa place et son public, par la redécouverte du répertoire baroque interprété sur instruments historiques au cours de la deuxième moitié du siècle dernier, permettant ainsi d’entendre précisément les couleurs sonores que les compositeurs avaient eux- mêmes entendues quelques siècles auparavant, et qui avaient chatouillé leur inspiration.

Jean BASCOU