Notes sur la lyre…

Toute l’histoire commence bien sûr par Zeus, dieu des dieux, et grand séducteur s’il en fut. Parmi ses innombrables conquêtes, consentantes ou non… (Mais le mouvement « balance ton dieu » n’avait pas encore démarré dans l’Olympe)… notons trois figures féminines : Léto, Maïa, et Mnémosyne.
De Léto naquit Apollon, dieu des arts, du chant, de la musique, de la beauté masculine, de la poésie et de la lumière. Il est conducteur des neuf muses, toutes filles de Mnémosyne, donc ses demi-soeurs par son père.
De Maïa naquit le facétieux Hermès, donc frère cadet d’Apollon.
Selon le premier hymne homérique qui lui est consacré, Hermès bondit de son berceau quelques instants seulement après sa naissance, et se met en quête du troupeau d’Apollon. Sur son chemin, il rencontre une tortue, qu’il tue. Utilisant sa carapace, un morceau de peau de boeuf, et une paire de cornes, il fabrique une lyre à sept cordes (chiffre sacré) sur laquelle il célèbre sa propre naissance ainsi que la demeure de sa mère. Il gagne le soir même l’endroit où paissent les troupeaux divins et dérobe cinquante génisses à Apollon, qui ne tarde pas à retrouver le voleur, et porte l’affaire devant Zeus. Hermès proteste de son innocence.
Amusé par la précocité de son fils, le dieu des dieux ordonne la réconciliation. Pour racheter son larcin, Hermès devra lui révéler l’endroit où il a caché le troupeau. Il devra aussi charmer son frère en jouant de la lyre, puis lui donner l’instrument. Ce qu’Hermès fit.
Dès lors la lyre est devenu un des attributs principaux d’Apollon qui en fit cadeau par la suite à son neveu Orphée, fils de la muse Calliope.
Mentionnée dans l’Iliade et l’Odyssée sous le nom de phormynx, la lyre se jouait à l’origine avec un plectre d’os ou de métal pour scander le rythme des danses rituelles, et accompagner les déclamations poétiques.

La lyre n’a cessé d’évoluer au fil des millénaires, particulièrement dans le domaine de son ambitus. Les plus petites ont quatre cordes, les plus grandes peuvent en compter jusqu’à quinze.
Certains historiens musicologues parlent alors de cithare, forme de lyre soi-disant améliorée. Mais il n’est pas certain que la cithare soit un perfectionnement de la lyre, car son existence est attestée longtemps avant Homère. Il s’agirait plutôt de deux instruments distincts, étroitement associés au culte d’Apollon. La cithare demandant une plus grande virtuosité, elle était jouée plutôt par des professionnels notamment lors des concours de musique. La lyre, plus simple à utiliser, était prisée des amateurs, de ce fait plus populaire et donc plus répandue.
A ces deux instruments, à cordes tantôt pincées, tantôt frappées, s’ajoutait parfois un instrument à vent, ou un tambourin, et bien sûr la voix humaine par le chant.

Au fil du temps, un peu à l’instar de la viole de gambe qui, au quinzième siècle, dériva de la vihuela et du luth, tous deux instruments à cordes pincées, la lyre antique fut utilisée en frottant les cordes avec un archet, donnant ainsi la lyra grecque que nous entendrons cet été avec l’ensemble Achéron. Pour l’histoire, dans la mythologie grecque, l’Achéron est le fleuve que traverse Orphée pour secourir Eurydice des Enfers.

La plus ancienne représentation connue d’une phormynx à sept cordes. Elément de décoration d’un sarcophage minoen trouvé en Crète et daté de 1350 avant notre ère.

Jean BASCOU